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Perspectives RH : Évolution et Innovation #3

Chez Lincoln, nous sommes passionnés par l’évolution du métier de DRH et les innovations qui transforment ce rôle crucial au sein des entreprises. Dans le cadre de notre série d’articles, nous explorons ces transformations en compagnie de Véronique de Watrigant, Head of Practice HR chez Lincoln. Chaque article propose une conversation avec un DRH de renom, offrant une perspective croisée grâce à l’expertise de Véronique.

Pour ce troisième article, nous allons plonger au cœur des dynamiques de création et de structuration du rôle de DRH  de l’ADIT, premier acteur français et européen de l’intelligence économique.

Questionné par Véronique, Frédéric Descrimes-Favraud, DRH / People & Talent Lead de l’ADIT, partage son expérience sur la manière dont il a conçu son rôle pour répondre aux besoins de l’organisation et comment il fait bouger les lignes dans ce domaine. Cet entretien nous permet de comprendre comment l’ADIT construit progressivement une politique RH solide pour accompagner son développement, dans un contexte où les rapports traditionnels au travail évoluent rapidement. Ensemble, ils explorent les stratégies mises en place pour attirer et retenir les talents, optimiser les processus internes et renforcer la visibilité de l’entreprise. Découvrez comment Frédéric transforme les pratiques RH pour non seulement répondre aux exigences de bonne gestion, mais aussi et surtout pour offrir une expérience collaborateurs enrichissante et alignée avec les valeurs de l’ADIT.

Véronique : Pouvez-vous partager avec nous comment la création ou la structuration de votre rôle de DRH a répondu à un besoin spécifique au sein de votre organisation, et comment vous innovez sur ce rôle ?

Frédéric : Notre entreprise s’est construite progressivement grâce à des processus de gestion simples et efficaces, qui, récemment encore, suffisaient à répondre aux besoins. II y a aujourd’hui un triple tournant : la volonté des dirigeants de donner corps à une vraie politique RH, la nécessité de définir et mettre en œuvre cette politique liée à l’atteinte d’un périmètre d’activité et d’une taille critique, et le devoir d’incarner cette fonction pour se différencier dans un contexte où les rapports traditionnels au travail évoluent constamment.

Innover dans ce contexte nouveau n’est pas forcément révolutionner l’approche RH. Cela consiste selon moi à répondre à une sorte de pyramide de Maslow des besoins RH :

  • Atteindre un haut niveau d’efficacité dans la gestion administrative et les exigences de base de tout salarié, cela ne doit quasiment plus être un sujet
  • Répondre à des demandes latentes ou implicites structurantes pour permettre à tout collaborateur de se situer et de se sentir intégré/unique : clarifier la politique salariale, les perspectives d’évolution professionnelle, optimiser les référentiels RH, (re)donner du sens au processus d’évaluation professionnelle, incarner une politique en matière de formation, etc. (montrer que l’entreprise, en grandissant, professionnalise son approche RH, et donc répond de manière plus appropriée aux besoins de chacun),
  • Offrir les interactions RH et managériales les plus qualitatives possibles aux collaborateurs, en identifiant 3 moments clé : 1) L’onboarding (renforcer l’attractivité pour les candidats en process grâce à la qualité du process de sélection lui-même, ce qui la démultiplie par effet d’écho en externe), 2) Le parcours de carrière, 3) L’offboarding (nous prenons un soin tout particulier, sauf exception, à faire en sorte que l’empreinte laissée à ceux qui nous quittent soit la plus positive possible sur ces 3 étages de la pyramide).

Véronique : Vous évoluez dans un environnement spécifique, très business, et pourtant le statut de l’ADIT a longtemps été public. Cela a-t-il un impact sur votre gestion des ressources humaines ?

Frédéric : Nous sommes aujourd’hui un Groupe de près de 2000 collaborateurs au sein duquel l’ADIT, entreprise historique et fondatrice, créée en 1993,  regroupe plus de 150 consultants de haut niveau. Nous étions à l’origine un établissement public, qui a progressivement évolué pour être aujourd’hui une SAS où l’État garde une participation indirecte mais attentive. Cela nous oblige, tant dans la conduite de nos affaires que dans notre approche des ressources humaines. C’est encore plus vrai, bien entendu, à la maille du Groupe ADIT, qui assure des missions hautement stratégiques pour les entreprises et l’État.

Nous travaillons au contact d’environnements très capitalistiques, nos clients ont tous un haut degré d’exigence. Nous relevons ces défis en incarnant au quotidien les valeurs du Groupe ADIT que sont l’intégrité, la compétence, la transparence, la confidentialité et l’indépendance. Cet ADN du Groupe motive de plus en plus de candidatures de hauts profils, à la recherche de cohérence entre leur day-to-day job et leurs aspirations profondes. Nous leur offrons en effet tout cela, et notre politique RH en est le reflet fidèle.

Je vous dis ça car c’est très important pour moi aussi et cela fait partie de mes moteurs !

Cela a un impact fort sur nos recrutements.

La réputation de l’ADIT est devenue un facteur d’attractivité très important, nous sommes devenus sur notre marché un acteur de référence. Pour les jeunes diplômés c’est très porteur de sens : ils ne veulent plus nécessairement rejoindre de grands cabinets anglo saxons, formateurs mais trop génériques dans leur gestion RH et moins responsabilisants. Ils nous voient de plus en plus comme une alternative attractive, au service des intérêts de nos grands acteurs économiques et financiers.

Véronique : Cela signifie que la notion de sens et de perspective de carrière joue un rôle crucial dans vos recrutements. On constate de notre côté que les leviers de motivation des candidats ont évolué, se diversifiant entre la question du sens, une rémunération compétitive, un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, des opportunités de développement de carrière, et un environnement de travail flexible, même si le levier rémunération me semble rester premier.

Désormais, attirer des talents nécessite de répondre à ces différentes attentes pour offrir une proposition de valeur globale, là où auparavant la rémunération était l’un des seuls leviers.

Dans ce contexte, quelles stratégies recommandez-vous pour attirer et retenir les talents dans un secteur aussi compétitif ? Comment ces stratégies diffèrent-elles en fonction de la taille et du secteur de l’entreprise ?

Frédéric : L’ADIT rencontre aujourd’hui peu de problèmes d’attractivité, mais il nous arrive aussi de perdre de bons candidats. Nous sommes leaders sur notre marché et notre reconnaissance est forte. Mais toute position de leadership est par nature fragile. La maintenir implique aussi d’offrir un certain package aux candidats, et de marketer nos avantages. Je challenge ainsi constamment mes managers sur la rédaction des offres qui est essentielle pour moi. Elles doivent être le plus juste reflet de la réalité de nos métiers mais aussi de ce qui booste et épanouit au quotidien nos équipes. La simple lecture d’une offre doit donner envie de venir chez nous même à quelqu’un qui n’en aurait pas les compétences !

Plus globalement, il est vrai que le premier levier reste encore souvent le salaire ; toutefois, nos profils étant très diplômés, ils sont d’autant plus attentifs aux responsabilités qui leur seront confiées, au-delà de la question du sens profond de leur travail que j’évoquais précédemment.

 

 

Véronique : Et quels sont vos enjeux en termes de fidélisation ?

Frédéric : En termes de rétention, c’est un peu différent. Nous recrutons beaucoup de jeunes diplômés qui ont soif d’apprendre et qui, en retour, nous apportent beaucoup. Pour l’ADIT, ce sont des compétences et des connaissances nouvelles qui ré-oxygènent en permanence les équipes et les obligent à se remettre en question.

Parmi ces jeunes profils, nous avons intérêt à offrir des parcours professionnels à ceux qui incarnent le plus naturellement les valeurs du Groupe et ont un leadership évident, d’où la nécessité de les identifier tôt, de leur offrir des étapes d’évolution plus courtes, responsabilisantes, gratifiantes et de le faire savoir.

Ceux qui restent uniquement quelques années dans l’entreprise prennent de bons réflexes professionnels, acquièrent des méthodes de travail éprouvées, consolident leurs aptitudes et, au bout de 3 ou 4 ans, peuvent s’en prévaloir pour intégrer une direction de la stratégie ou de la compliance dans un grand groupe, par exemple. C’est très légitime et ils partent ainsi très armés pour essaimer et se confronter aux logiques internes à l’œuvre dans ces structures, qui sont passionnantes. Certains d’entre eux reviennent parfois plusieurs années après, enrichis d’expériences et de compétences qui consolident encore davantage notre valeur ajoutée.

Au-delà, pour faciliter la projection des consultants dans leur carrière – une préoccupation croissante des candidats – nous travaillons sur un référentiel de compétences et un parcours collaborateur harmonisés, qui soit transparents et cohérents avec les évolutions de rémunération. Le cadre doit être exactement le même pour tout le monde, même si tout le monde n’évolue pas à la même vitesse à l’intérieur de ce cadre. L’accompagnement managérial est alors central pour objectiver les différences de situation. Rien de révolutionnaire encore une fois mais c’est le socle de la confiance dans la relation managériale.

Nous avons encore beaucoup de sujets à améliorer, comme l’onboarding et les synergies RH au sein du Groupe, ce qui nous aidera à profiter à plein du potentiel de notre visibilité externe.

Véronique : Comment l’adoption de nouvelles technologies a-t-elle transformé les pratiques de gestion des talents au sein de votre entreprise, et quelles sont les technologies émergentes que vous voyez comme étant cruciales pour l’avenir des RH ?

 Frédéric :

  • Concernant le recrutement

Pas d’impact notable concernant le recrutement pour l’instant dans mon entreprise, les volumes de recrutement et le secteur très spécialisé justifiant une approche encore peu industrialisée du recrutement.

  • Concernant la gestion des parcours professionnels/ GPEC -Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences-

Pas d’impact notable non plus pour l’instant. Toutefois, j’identifie la nécessité de suivre de près de nouveaux acteurs des SIRH qui proposent des solutions intégrées à moindre coût pour les PME/ETI et qui transforment la relation collaborateur pour tout ce qui touche à la gestion administrative (nous avons entamé une réflexion interne à ce sujet).

En termes de technologies émergentes, l’IA générative et les possibilités offertes par le multivers, moyennant une approche évidemment éthique, sont vraiment prometteuses pour refonder l’attractivité des entreprises et des métiers.

Voici quelques exemples qui font sens pour moi :

  • Une start-up qui propose aux candidats à un emploi de leur faire vivre, par la réalité virtuelle, le quotidien de l’entreprise à laquelle ils s’intéressent, avant de valider définitivement leur candidature. Cela réduirait drastiquement le taux de démissions ou d’abandon en cours de période d’essai et rendrait le processus de sélection beaucoup plus efficace.  
  • SUEZ qui a pu profiter des possibilités offertes par la réalité mixte pour former à la sécurité des employés tellement expérimentés qu’ils ont tendance à relâcher leur vigilance. En leur simulant des dangers extrêmes et des accidents de travail parfois mortels, ils leur redonnent les bons réflexes et conscience des dangers de l’habitude ;
  • Les applications d’IA générative peuvent considérablement aider à trier les candidats dans les processus de recrutement – on sait d’ailleurs que LinkedIn se base de plus en plus sur l’IAG pour présélectionner les profils, pour la génération d’offres d’emploi, le screening par compétences, etc. Ce type d’applications peut toutefois également permettre à des candidats peu scrupuleux de produire des lettres de motivation ou des CV trop beaux pour être vrais…

Les DRH sont donc confrontés à une sophistication croissante des technologies, qui peuvent se mettre à leur service ou jouer à leur détriment. Le cœur de leur valeur ajoutée réside donc toujours dans leur approche humaine, leur capacité de discernement, de jugement et le cas échéant de démystification.

Cette conversation nous a offert un aperçu précieux sur la manière dont l’ADIT a su adapter ses pratiques RH pour répondre aux besoins évolutifs de ses collaborateurs et maintenir une forte attractivité sur un marché compétitif. L’importance de créer une expérience collaborateur enrichissante et de valoriser les talents à chaque étape de leur parcours ressort clairement de cet échange, illustrant comment une politique RH bien conçue peut devenir un véritable levier de performance et d’alignement stratégique.