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Observation des évolutions de l’hospitalisation privée et de leurs impacts sur sa structuration et le rôle de ses dirigeants.

Par Hilaire de Boisgrollier
HDeBoisgrollier@lincoln-group.com
Partner Lincoln, consultant Executive Search Healthcare & Life Science

Les évolutions du marché des cliniques.

Nous avons pu observer au cours de ces quinze dernières années une conjoncture intéressante : progressivement, le modèle de la clinique indépendante, qui était le modèle qui avait prévalu pendant longtemps, a disparu. Pour faire vivre un Etablissement et amortir un plateau technique qui doit toujours être à la pointe de la technique médicale, il faut aujourd’hui de plus en plus de praticiens. Or, même si les médecins se sont associés entre eux ou ont pris les parts majoritaires dans des Etablissements, cela n’a pas suffi à entretenir le modèle de la clinique indépendante. Le marché s’est concentré et de nombreux établissements ont été rachetés par des grands groupes de santé privés. Cette phase de consolidation n’est pas encore terminée puisque ces grands groupes continuent à fusionner entre eux.

Plusieurs raisons ont conduit à cette évolution dont l’absence de repreneurs individuels : certains praticiens sont vendeurs et ne trouvent pas d’acheteurs chez leurs confrères. Une classe de praticiens prend progressivement sa retraite et ne trouve pas forcément de repreneurs à un prix compétitif par rapport aux groupes et aux investisseurs financiers. Les jeunes médecins souhaitent être davantage cliniciens qu’entrepreneurs ; aussi, ils ne se projettent plus dans de la gestion d’entreprise.

Les fonds sont intéressés par ce secteur dans lequel les facteurs de risque diffèrent des autres :

  • Le secteur est acyclique, il y a des contraintes (tarifaires et réglementaires) qui pèsent de plus en plus fortement, mais demain, même en cas de crise économique majeure comme en 2009, la population continuera à se faire soigner, notamment en France grâce au système d’assurances publiques et d’assurances privées qui prend en charge les soins.
  • La dimension immobilière et patrimoniale qui est associée aux Etablissements rassure, même si c’est de l’immobilier extrêmement dédié et que celui-ci est souvent externalisé à des foncières.

Impacts sur la structuration.

Cette phase de concentration du secteur a façonné des groupes de différente nature : des groupes régionaux et des groupes nationaux qui ont tous une intégration plus ou moins aboutie.

Les groupes régionaux (Alfandari, C2S, HPL)

Présents sur une ou plusieurs régions, leur principal enjeu est de pouvoir maîtriser une offre de soins sur un territoire, de couvrir un nombre important de spécialités par Etablissement et d’organiser le parcours du patient. L’objectif est de consolider les équipes médicales d’une spécialité dans un même Etablissement, afin de gagner en notoriété. Les praticiens pourront ainsi bénéficier d’un matériel de pointe, ce qui favorisera le recrutement médical. Ils auront ainsi l’opportunité de mieux s’organiser, confronter leurs avis respectifs et attirer une patientèle plus éloignée qui ne fuira pas vers les grandes métropoles. Ces groupes trouvent souvent à s’intégrer localement dans le schéma d’organisation des soins où ils cohabitent avec l’hôpital public.

Les groupes nationaux (Ramsay Santé, Elsan, Vivalto)

Leur enjeu est de discuter à l’échelon régional avec les ARS (Autorités Régionales de Santé), mais aussi de pouvoir avoir un levier fort dans les discussions avec les pouvoirs publics au niveau national. Ils savent construire des projets complexes et ambitieux dans la fusion d’Etablissements. Ils sont par essence les modèles les plus intégrés et peuvent amortir les coûts d’un Siège dimensionné. La concentration est parfois telle que les autorités de la concurrence demandent aux nouveaux groupes de revendre certains Etablissements pour éviter des situations de monopole (par exemple, la fusion Vedici-Vitalia)

Des enjeux organisationnels

La naissance de ces grands groupes régionaux et nationaux a conduit à repenser leur modèle organisationnel et managérial. Dans certains groupes faiblement structurés, un investisseur possède quelques établissements, il a une holding, mais les Directeurs de Cliniques ont une autonomie de gestion très forte. C’est le modèle le plus décentralisé.

A l’inverse, dans les modèles les plus intégrés, le Siège des groupes sont composés de Directions fortes : Direction des Opérations, Direction Juridique, Direction des Achats, d’une Direction Médicale et parfois, d’une Direction de la Recherche ainsi que les habituelles fonctions support : DRH, DAF et DSI. Le Directeur d’Etablissement est donc accompagné, dans son rôle, par de réelles expertises transverses qui maitrisent les enjeux des métiers.

De nouveaux profils de dirigeants. 

Cette réorganisation des groupes de santé privés a eu un impact sur le profil de leurs dirigeants. La présence ou non d’une Direction des Opérations au niveau du Siège, sur laquelle le Directeur de Clinique va pouvoir s’appuyer, l’existence d’un échelon régional, l’exposition ou non du Directeur d’Etablissement aux autorités de tutelles régionales, vont grandement moduler le profil.

Un dirigeant au rôle « administratif » remplacé par des profils de DG

Les Directeurs d’Etablissements qui, aux côtés de Présidents Directeurs Généraux et de médecins, devaient uniquement gérer les Finances et les Ressources Humaines d’un établissement, n’existent plus.

Aujourd’hui, un Directeur d’Etablissement est un Directeur Général : il a la pleine responsabilité de la rentabilité financière de son Etablissement. Il a aussi la main sur l’organisation des populations paramédicales et administratives et sur l’ensemble des salariés de l’établissement. Mais son rôle le plus stratégique est de piloter la communauté médicale de l’Etablissement, de négocier avec les praticiens d’une spécialité la venue d’un nouveau praticien pour renforcer leur spécialité, de solliciter tel ou tel médecin dans la défense d’un dossier d’autorisation auprès des Autorités Régionales de Santé. La qualité des relations et le niveau d’implication de la communauté médicale de l’Etablissement constituent désormais des assets intangibles parmi les plus importants pour une clinique.

Des enjeux de recrutement différents en fonction de la taille de l’établissement

La taille des cliniques joue également un rôle important dans le choix du Directeur Général : quand un groupe mandate un Cabinet de Conseil pour la recherche d’un Directeur, c’est qu’il n’a pas le temps de former un nouveau Directeur. La recherche porte donc en priorité sur un profil expérimenté qui connaît déjà le métier (par exemple, un Directeur Adjoint qui pourrait passer Directeur et qui connaît déjà les problématiques hospitalières).

La taille des cliniques est très variée :

  • Pour une clinique de 100 lits, nous allons plutôt rechercher un homme-orchestre. La taille de son entreprise ne lui permet pas d’avoir des collaborateurs autonomes dans la gestion de tous les dossiers qu’il doit suivre. Il doit avoir une dimension opérationnelle très forte pour accompagner ses équipes au quotidien.
  • Au-dessus de 200 lits, les compétences sont différentes. Les groupes recherchent un Directeur Général qui est en mesure de déléguer très efficacement aux membres de son équipe de Direction et de contrôler. Il doit être capable, en permanence, de hiérarchiser les sujets sur lesquels il doit s’impliquer et ceux sur lesquels il doit laisser ses collaborateurs travailler. Il a plutôt un rôle de chef d’orchestre et doit savoir créer l’harmonie entre les différentes équipes qu’il coordonne.

Des enjeux de recrutement différents en fonction des enjeux des établissements

Bien évidemment, les enjeux de recrutement ne s’arrêtent pas au choix du Directeur Général et s’étendent à toute l’équipe de Direction de l’Etablissement. Aujourd’hui, une clinique est une PME qui comprend entre 70 et 100 collaborateurs pour les plus petites, et jusqu’à 500 pour les plus importantes. La constitution du Comité de Direction est donc un facteur-clef de succès. En région, trouver le DRH ou le DAF d’un établissement représente parfois un challenge non négligeable, d’autant plus que le secteur de la santé a des contraintes économiques fortes et qui le rendent parfois, en termes de salaire, moins attractif que les services ou l’industrie.

Lorsque nous sommes sollicités pour recruter un dirigeant, il faut donc trouver la personne qui corresponde à la situation de cet établissement (projet, situation économique, dynamique), tout en tenant compte de sa localisation géographique.

Le contexte de la Communauté Médicale, la personnalité du président de CME et la manière dont il coordonne la communauté médicale, le niveau des différents membres du Comité de Direction, et l’implication du Directeur Régional sont autant de paramètres à intégrer.

Les Directeurs Généraux de cliniques ne sont pas interchangeables mais possèdent chacun des qualités précieuses qu’il convient de faire correspondre aux préoccupations de l’Etablissement qui recrute.

Ils sont toujours très attentifs aux projets et aux défis que cette opportunité porte.

 

 

A RETENIR :

  • Le modèle des groupes de santé privés a fortement évolué ces dernières années, passant d’un modèle artisanal à de véritables entreprises pouvant représenter plusieurs milliers de salariés.
  • Ces groupes peuvent être régionaux ou nationaux et présentent des structures organisationnelles diverses, avec des modèles fortement déconcentrés de cliniques travaillant en autonomie, et de grands groupes très hiérarchisés avec des organes de direction centralisés.
  • Compte tenu des problématiques diverses des Etablissements, le recrutement d’un Directeur Général d’Etablissement nécessite une approche sur mesure.